monnaie_or.jpgPetite allégorie historique sur les banques

Au fil de l’histoire l’argent a pris bien des formes. Il fallait simplement que l’argent soit portable et qu’un nombre suffisant de gens soit confiant de pouvoir l’échanger contre des choses de valeur bien réelle. Comme de la nourriture, des vêtements, ou une maison. L’argent a pris la forme de fèves de cacao, de coquillages, de pierres et même de plumes. L’or et l’argent étaient des métaux attrayants, faciles à travailler. Certaines cultures sont devenues expertes dans ce travail. En frappant des pièces de monnaie, unité standard dont le poids et la pureté était certifiés, les orfèvres ont facilités le commerce. Bien vite pour protéger tout son or, l’orfèvre a eu besoin d’une chambre forte. Les villageois sont venus frapper à sa porte. Ils voulaient louer un peu de place dans cette chambre forte pour garder leur or et leurs objets de valeur en sécurité. L’orfèvre a fini par louer tout son espace, dans sa chambre forte. La location lui a rapporté un petit bénéfice.

vieil_orfevre.jpgLes années ont passé et notre orfèvre a constaté une chose, fort importante. Les déposants venaient rarement chercher leurs pièces d’or. Et ils ne venaient jamais tous en même temps. Il faut dire que les reçus faits par l’orfèvre étaient utilisés sur le marché comme s’ils étaient véritablement l’or qu’ils représentaient. Cet argent papier était plus pratique que les lourdes pièces et les montants pouvaient tout simplement être écrits au lieu d’être comptés laborieusement. Entre temps, l’orfèvre a commencé une autre affaire. Il s’est mis à prêter son or en demandant des intérêts.

Comme les reçus devenaient de plus en plus acceptés, à titre de paiement, les emprunteurs ont demandé leur emprunt sous cette forme. Et comme l’industrie provenait de l’expansion, de plus en plus de gens ont demandé des prêts à l’orfèvre. Alors l’orfèvre a eu une idée plus géniale encore ! Ils savaient que ses déposants venaient rarement chercher leurs pièces d’or. Il a donc pensé qu’il pouvait faire des prêts couverts par l’or de ses déposants. Aussi longtemps que les emprunts seraient remboursés, les déposants n’en sauraient rien et l’orfèvre, maintenant plus banquier qu’artisan ferait de gros bénéfices.

Pendant des années, en secret, l’orfèvre a tiré de bons revenus des intérêts sur les dépôts de ses clients. Maintenant gros prêteur, il devenait sans cesse plus riche et il commençait à étaler ses richesses. Les gens l’ont alors soupçonné de dépenser l’argent de ses déposants. Ensemble, ils l’ont menacé de retirer tout leur or, si l’orfèvre ne s’expliquait pas sur sa richesse si soudaine. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la situation n’a pas tourné au désastre pour l’orfèvre. Malgré sa duplicité, il a pu démontrer que les déposants n’avaient rien perdu. L’or était toujours en sécurité dans la chambre forte. Au lieu de reprendre leur or, les déposants ont demandé à l’orfèvre devenu leur banquier de leur verser une partie des intérêts. C’est ainsi que les banques sont nées. Le banquier payait un taux d’intérêt bas sur les dépôts et il faisait un taux d’intérêt plus élevé sur les prêts. La différence couvrait les frais de fonctionnement et ses bénéfices. La logique du système était simple comme bonjour et semblait être un moyen raisonnable de satisfaire la demande de crédits mais les banques ne fonctionnent plus du tout comme ça.

L’orfèvre banquier n’était pas du tout satisfait du revenu qui restait après le partage des bénéfices avec ses déposants. La demande de crédits a augmenté rapidement. Mais ces prêts restaient limités par le montant d’or dans la chambre forte.

Alors une idée plus géniale encore lui est venue à l’esprit. Puisqu’il était le seul à savoir combien il y avait d’or dans la chambre forte il pourrait prêter des chèques garantis par de l’or qui n’existait même pas. Aussi longtemps que les déposants ne viendraient pas tous en même temps réclamer leur or, personne ne le saurait !

Ce nouvel arrangement fonctionnait à merveille et le banquier est devenu immensément riche avec les intérêts payés sur de l’or inexistant ! L’idée que le banquier puisse créer de l’argent à partir de rien était trop outrageuse ! Longtemps, personne n’a rien soupçonné. Mais le pouvoir d’inventer de l’argent est monté à la tête du banquier. Bientôt l’importance des prêts et l’opulence du banquier ont déclenché de nouveaux soupçons. Certains emprunteurs ont demandé de l’or véritable plutôt que des chèques. Et les rumeurs ont monté. Plusieurs déposants fortunés sont venus réclamer leur or ; la fin du jeu était proche. Une foule de gens brandissant des chèques s’est rassemblée devant les portes closes de la banque. Hélas, le banquier n’avait pas assez d’or pour couvrir tout l’argent papier qu’il avait émis. Pour la première fois il y avait une ruée sur la banque et c’est un phénomène qui épouvante tous les banquiers. Ce phénomène de retrait massif a ruiné des banques individuelles et a endommagé la confiance du public envers les banquiers. Il aurait été simple alors d’interdire cette pratique de créer de l’argent à partir de zéro. Mais les immenses crédits offerts par les banquiers étaient devenus essentiels à l’expansion du commerce européen.

La pratique a donc été légalisée et réglementée. Les banquiers ont accepté de respecter des limites sur les montants d’argent fictifs qu’ils pouvaient prêter (Système de réserve fractionnelle). Mais ces montants fictifs restaient bien supérieurs à la valeur réelle de l’or déposé dans la chambre forte. Bien souvent le taux était de 9 dollars fictifs pour un dollar en or. Des inspections surprises permettaient de faire respecter ces réglementations. Un arrangement a aussi été conclu. En cas de ruée sur une banque, les banques centrales soutiendraient les banques locales en leur prêtant de l’or. La bulle du crédit créée par les banquiers ne pourrait pas crever et le système ne pourrait pas s’effondrer, sauf s’il y avait beaucoup de ruées sur les banques en même temps.

Source : "L'argent dette" selon Paul Grignon 

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